jeudi 26 août 2010

Cleveland contre Wall Street


A la frontière entre le documentaire et la fiction, ce film de Jean-Stéphane Bron (Le Génie helvétique, 2003) « met en scène » le procès voulu par les habitants des quartiers défavorisés de Cleveland expropriés de leur maisons contre les banques de Wall Street qu’ils jugent responsables de leur sort.

Disons le tout de suite, ce film est un film important, un grand film, un film qui fait appel à tout ce qu’il y a de bon dans le cinéma, qui parle du Cinéma en étant fortement ancré dans le réel. Bref, si vous ne courez pas le voir après avoir lu cette chronique, vous aurez manqué selon moi un des films les plus importants de l’année 2010. Je m’en explique.

Rappelons tout d’abord, que ce procès n’a pas été monté de toutes pièces par Jean-Stéphane Bron. L’initiative en revient aux habitants de Cleveland eux-mêmes et à leur porte-parole Barbara Anderson qui confia au cabinet d’avocats de Josh Cohen le dossier à charge. Le 11 janvier 2008 celui-ci assigna en justice les 21 banques que nombre d’habitants de Cleveland jugent responsable des saisies immobilières qui les jetèrent à la rue. Les banques de Wall Street lancèrent alors leurs avocats pour empêcher un tel procès, et ce avec succès. Le procès n’aura pas lieu.
L’idée simple, mais déjà forte, du film est de présenter le déroulement de ce procès fantôme avec les protagonistes bien réels, donnant ainsi aux habitants de Cleveland un formidable moyen de se faire entendre.

C’est donc, d’une part à un procès de cinéma auquel le spectateur est confronté, avec toutes les références hollywoodiennes de ce genre (et je dois dire que pour moi c’est le film de procès le plus fort qui soit), et d’autre part à un documentaire poignant analysant sans parti pris asséné les causes et les conséquences de la crise des subprimes.
Pris entre ces deux pôles apparemment antagonistes, le spectateur oscille entre deux états d’âmes : l’adhésion à la fiction et l’identification au principe du documentaire. Et là où Cleveland contre Wall Street est un grand film, c’est que Jean-Stéphane Bron se sert d’une mise en scène discrète mais efficace, qui rappelle d’ailleurs les meilleurs films de genre, afin de renforcer le caractère documentaire du film. Les deux pôle du film ne s’annulent donc pas, ils s’émulent.
De plus ce film est important, car non seulement, il permet de comprendre clairement les causes et les conséquences de la crise des subprimes en donnant la parole aux gens qui l’ont subi ou qui y ont participé, mais il remet aussi à plat les discours parfois insensés des politiques ou des économistes plus proche des banques que des problèmes des classes populaires, en clair il donne un visage humain à cette crise.

La force du film est ainsi son humanité, ce qui rend le spectateur parti prenante en le mettant à la délicate place d’un juré.
Et si à la fin du film, vous n’en sortez pas avec des convictions quelles qu’elles soient, le cinéma ne pourra plus rien pour vous.

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